Les bouleversements qui marquent la vie politique en Occident rappellent à ce qui se passe, en ce moment, au sein de nos partis.
Là-bas il y a la montée des extrêmes droites, les gilets jaunes, le Brexit et Trump. Ici, il y a le courant islamiste et Nidaa, Karoui, Abir et autre «RCD».
La crise est de même nature. Elle naît —dit le sociologue, intellectuel de gauche, Emmanuel Todd— non plus de la fracture sociale qui «présida» à la grande révolte de Mai 68 (la «marxiste-économiste»), mais d’une «fracture éducative» qui sépare, désormais, les élites et les peuples.
Emmanuel Todd explique que, lors des décennies de l’après-guerre, l’Europe et en partie l’Amérique avaient fondé leur système éducatif sur la croyance que tout le monde allait pouvoir en tirer profit. Egalitarisme illusoire. Partout, y compris dans les pays du sud (vite convertis au modèle), on s’est, en effet, rendu à une évidence : que nous ne réussissons pas tous notre éducation. Todd parle de «50%, au mieux».De sorte que nous vivons, aujourd’hui, une opposition nouvelle entre des minorités instruites et des populations peu ou mal «éduquées».
Une opposition qui repose moins sur la condition de classe, que (paradoxalement !?) sur l’égal accès au pouvoir, sur l’égale aptitude à la gouvernance, à la démocratie.
Une opposition qui «se digère»mal encore. Les élites tiennent généralement les commandes. Là, elles cèdent à moins compétents qu’elles. Leurs bases leur font défaut.
Exemple de Hilary Clinton face à Trump et aux électeurs de Trump aux élections US en 2O16.
Exemple de la droite républicaine et des socialistes face à «la France insoumise» et au «front national» en 2017.
Exemple de «la république en marche» de Macron face aux «gilets jaunes» aujourd’hui.
En Tunisie, nous avons Abir Moussi et Nabil Karoui, en ascension fulgurante dans les sondages, qui savent caresser la fibre des bonnes gens, au lieu de s’encombrer de «théories».
Nous avons l’exemple de Nidaa qui illustre, probablement, tout.
Le Nidaa de 2012-2013, celui des fondateurs, est né élitiste. Il comptait dans ses rangs des grands noms de l’intelligentsia.Le Nidaa d’après 2014, celui du «compromis de Paris», les avait tous perdus. Option «populiste» déjà. Pas tant l’affaire Hafedh ou «le jeu de chaises» que l’on dit. 2019, enfin : plus que des clans, et des politiciens de «second choix». Nidaa a perdu son élite dirigeante. Mais à la place, il fait comme le lui dicte un certain populisme (un tout autre populisme) : il part à «la conquête des affiliés», «il met la main à la poche». Todd ajouterait : «Il joue la carte du peuple, il s’abaisse à lui, il n’a peut-être pas dit son dernier mot…».
(Photo : ©John Hain de Pixabay )